3-4 octobre 2025 : XVIe Rencontres internationales des jeunes byzantinistes
Byzance intime : discours, pratiques et matérialités du rapport à soi
Appel à communications
Les travaux pionniers de Philippe Ariès sur l’enfance et la mort ont ouvert la voie à un foisonnement de travaux prenant l’intime et le privé comme objets d’histoire. Dès 1989, Évelyne Patlagean dresse un premier bilan, dans sa contribution à l’Histoire de la vie privée, des apports de cette approche à l’étude du monde byzantin. Depuis, le nombre et la diversité des recherches n’a fait que croître, engageant toutes les disciplines du champ des études byzantines pour explorer des sujets aussi variés que le discours des émotions et les contours de la sensibilité, le rapport au corps, les formes de sociabilité et l’archéologie du quotidien.
Prenant acte de cet élan, les XVIe Rencontres internationales des jeunes byzantinistes mettent à l’honneur la notion d’intime. Issu du latin intimus, le mot intime désigne étymologiquement « ce qui est le plus intérieur » ; il s’inscrit donc avant tout dans la dialectique du dedans et du dehors, inséparable de l’émergence d’une idée du soi. Constituant à la fois « le plus essentiel en même temps que le plus retiré et le plus secret » et « ce qui associe le plus profondément à l’Autre et porte au partage avec lui [1] », l’intime dit à la fois la part du sujet qui lui est réservée et l’ouverture à l’être aimé. Cette subtilelimite traverse toutes les échelles de la vie sociale, depuis l’organisation des espaces architecturaux à la négociation des regards et des secrets.
Le sens de l’intime se fonde sur la conscience de soi. Que ce soit par le biais du soin, de l’hygiène, de la médecine ou encore de la parure, c’est d’abord par le corps que l’intime se confronte à l’altérité. Il s’agit dès lors de saisir les soins dont il fait l’objet dans le monde byzantin et de préciser les pratiques et les discours qui l’accompagnent. Il convient également de restituer le soin de l’âme, qui, dans une société marquée par l’introspection des pères de l’Église, prend à Byzance une importance toute particulière. Toute sociale qu’elle soit dans ses manifestations extérieures, la foi est également matière intime. Nourrie d’une relation intérieure et sensible au divin, la dévotion privée se
tient au cœur de l’expérience quotidienne des fidèles.
Là où les textes sont souvent muets, l’étude des lieux et des objets de l’intimité apporte un éclairage précieux. Au sein des habitations, le partage des espaces ouverts aux visiteurs et ceux réservés à la maisonnée dessine tout un univers de pratiques sociales. Les restes d’établissements balnéaires, les objets de toilette, les outils du médecin donnent corps au soin de soi, tandis que les amulettes et les icônes domestiques constituent le support de l’intimité du fidèle avec Dieu. En-dehors du texte lui-même, les notes marginales témoignent du rapport familier du lecteur à l’œuvre.
L’amour et l’amitié incarnent l’intimité des relations sociales. Mais que signifient-ils dans une société byzantine hiérarchisée, où intérêts politiques et économiques sont inséparables des stratégies matrimoniales et des relations de patronage ? Mariage, époux, parents, enfants, serviteurs et esclaves : la famille concentre les relations de proximité, en même temps qu’elle met en jeu les normes de comportement entre solidarité et rivalité. Prolongeant la maisonnée, les relations d’amitié se situent au croisement de l’intime et de l’intérêt : elles interrogent le rôle des sociabilités informelles dans les réseaux de pouvoir.
Les proclamations d’intimité sont omniprésentes dans les lettres byzantines, éclairant la force d’une rhétorique de la proximité. Celle-ci souligne l’importance de modèles culturels de l’intimité, qui, de la Vierge à l’enfant jusqu’aux compagnons d’Achille, sont représentés et narrés pour modeler l’expression de la familiarité et de l’affection. Quels sont alors les discours admis de l’émotion, quel est le partage des affects publics et privés ?
Qu’il s’agisse du regard sur soi ou du regard de l’autre, l’intime est constamment modelé par le travail des apparences et l’attente de la norme. Émotions et sexualité font l’objet d’une dialectique du licite et du honteux, de la dissimulation et de l’exhibition. Genre et position sociale autorisent certaines formes d’intimité et en interdisent d’autres ; ils déterminent ce qui peut être connu et ce qui doit rester caché. Se pose alors la question du scandale et des déviances intimes que ne peut tolérer la société byzantine.
Avec ce thème aussi vaste qu’inépuisable, les XVIe Rencontres internationales des jeunes byzantinistes se donnent pour ambition d’entrer, avec tout le respect dû, dans l’intimité de Byzance.
Les communications pourront s’inscrire dans l’une des thématiques suivantes, citées à titre non-exhaustif :
● Rhétorique de l’intime et discours des émotions
● Sensibilité et socialisation (toucher, regard, ouïe, odorat, goût)
● Rapport au corps, soins du corps, hygiène et santé
● Apparences, pudeur, honte et exhibition
● Représentations narratives et visuelles de l’intimité
● Espaces et lieux de l’intimité
● Œuvres, objets, outils intimes
● Amours et amitiés
● Liens familiaux et cadre domestique
● Intimité avec Dieu (dévotion privée, mystiques, ascètes)
● Intimité et ritualité
● Normes de l’intime, transgressions et scandales
● Sphère publique et sphère privée
● Écriture et intimité, manuscrits et autographes
Les communications, d’une durée de vingt minutes, pourront être données en français ou en anglais. Les propositions de communications (250 à 300 mots), accompagnées d’une brève biographie incluant l’institution de rattachement, le niveau d’études actuel (master, doctorat, post-doctorat) et le sujet de recherche, devront être envoyées à l’adresse aemb.paris@gmail.com, au plus tard le 31 mars 2025.
Les Rencontres se tiendront en présentiel, à Paris, les 3 et 4 octobre 2025. La prise en charge des frais de transports par l’AEMB est envisageable pour les candidats ne pouvant obtenir de financement de la part de leur institution d’origine. Les candidats retenus devront adhérer à l’AEMB.
[1] Jullien, F., De l’intime. Loin du bruyant Amour, Paris, Grasset & Fasquelle, 2013, p. 2.