Les Grecs au service de la Porte ottomane dans la 2ème moitié du XVe siècle
Anna Calia, Université de Saint-Marin / École pratique des hautes études.
La diaspora des élites byzantines après la chute de Constantinople en 1453 a été étudiée depuis longtemps, surtout en ce qui concerne sa relation avec la floraison de l’Humanisme et des études grecques en Occident. Pendant les dernières années de nombreuses études ont exploré le rôle joué par le Patriarcat œcuménique ainsi que par les aristocrates et les marchands grecs dans la transition byzantine-ottomane à Constantinople. Les ottomanistes ont aussi montré la centralité des convertis ou renégats issus des familles de l’élite byzantine dans le fonctionnement de l’administration et dans la construction de l’image impériale ottomane.
Encore peu connue est par contre la sort des Byzantins qui restèrent au service du sultan à Constantinople en tant que secrétaires, interprètes, chanceliers, copistes. Ils sont d’ailleurs attestés aussi dans plusieurs documents d’archives occidentales, étant donné que jusqu’à la fin du XVème siècle la chancellerie ottomane utilisait le grec dans les échanges avec les puissances occidentales et le medio-serbe avec Raguse et la Hongrie.
Sous le règne de Mehmed II la présence des certains Byzantines dans la chancellerie ottomane était liée aussi aux intérêts littéraires du sultan. Parmi les autres figures, ressort celle de Jean Dokeianos, personnage emblématique de la transition byzantine-ottomane. Auteur de nombreuses compositions d’occasion pour Constantin XI et d’autres membres de la cour paléologue de Mistra, copiste et possesseur d’une bibliothèque remarquable, après la conquête ottomane du Péloponnèse en 1460 il préfère « le turban du sultan à la mitre romaine » devenant secrétaire et copiste de manuscrits – soit littéraires soit d’enseignement – dans le Palais ottoman. Au même temps il enseigne dans le Patriarcat tout en restant chrétien et anti-unioniste.
Ses œuvres, qui comprennent des épîtres, éloges et oraisons, n’ont été publié que partiellement par Spyridon Lambros. Elles par contre nous donnent un aperçu du très vif débat intellectuel qui animait la cour paléologue à propos de l’éducation des souverains, de l’importance des modèles classiques, du destin de l’empire et de l’identité ethnique du despotat de Mistra à la première moitié du XVème siècle.