La reine Hélène d’Anjou et la rhétorique du pouvoir princier dans le Royaume némanide au XIIIe et XIVe siècle.
Alexandra Vukovitch (E.H.E.S.S. / Cambridge)
La reine Hélène dite « d’Anjou », connue principalement dans l’ouvrage de l’archevêque Daniel II dans sa Vie de Sainte reine Hélène dans les Vitae Regum et Arhiepiscoporum Serbiae, demeure une figure énigmatique du royaume némanide du XIIIe siècle. Le déficit de travaux sur cette figure historique rend l’évaluation de son rôle dans le royaume némanide difficile. Cependant, selon la littérature dynastique, les chartes et les sources archéologiques, il est évident que la reine Hélène avait un rôle important dans son apanage à Zeta en tant qu’administratrice et mécène des édifices religieux. L’archevêque Daniel II décrit la reine en tant que mère des rois, vecteur de la concorde entre ses fils, mécène dans son apanage et en Terre Sainte et sainte. En effet, la Vie de la reine Hélène est composée de plusieurs éléments qui créent des topoi littéraire pour la représentation de la reine. Outre sa valeur d’ « histoire sacrée » et sa dimension idéologique, la Vie de la reine Hélène a une dimension « intellectuelle » et « rhétorique ». Daniel II emploie des termes récurrents pour décrire la reine : sa nature douce, sa piété, son érudition, sa charité, son rôle d’autocrate bienveillant et les manifestions corporelles de sa dévotion envers Dieu. Cependant, le rôle de la reine en tant que fondatrice des églises et monastères catholiques dans les régions littorales de son apanage n’est pas évoqué dans sa Vie car Daniel II vise surtout la commémoration de la reine dans sa fondation dynastique, l’église dédiée à la Mère de Dieu à Gradac. En outre, le cérémonial de la commémoration, au moment de l’enterrement de la reine, sert à légitimer la sainteté familiale et dynastique et la « canonisation » qui suit, fixe quasi-officiellement Gradac comme lieu chargé de mémoire qui sera un point de repère dans l’histoire sacrée des rois némanides. Les enjeux historiques de la figure de la reine Hélène, ses origines latines et son identité culturelle catholique, forment un prisme à travers lequel l’étude des relations entre le royaume némanide, Byzance et l’Occident peut se réaliser.