Une guerre « des religions » chaude à la Rivière froide : Théodose, maître de guerre chrétien ?
Charles Nicolas, Université Paris IV-Sorbonne
L’affrontement entre l’usurpateur Eugène et l’empereur Théodose culmina en 394 avec la victoire du second lors de la bataille du Frigidus. Cet événement, qui mena brièvement et pour la dernière fois au rassemblement de tout l’Empire sous un seul souverain, est retranscrit dans de nombreuses sources tout au long du cinquième siècle. Le récit évolue et s’enrichit jusqu’à apparaître comme la victoire éclatante du christianisme sur le paganisme, manifestée directement par l’action divine sur le champ de bataille. Cependant, la valeur de ces témoignages si divers a été et est toujours très débattue, entre les tenants d’une véritable « guerre des religions » entre deux partis, chrétien et païen, plus ou moins bien définis et les partisans d’un conflit plus traditionnel pour la pourpre entre deux chefs romains également chrétiens, mais travesti par quelques auteurs anciens. Or, si la question du revival païen fait l’objet de nombreuses études récentes (A. Cameron, The Last Pagans of Rome, 2010 ; St. Ratti, Polémiques entre païens et chrétiens, 2012), les points de vue chrétiens sont peut-être trop souvent simplifiés, voire négligés.
L’apparente admiration monolithique, vue comme typiquement byzantine, d’une « victoire remportée plus par les prières que par les armes » reste peu critiquée. Cette intervention propose de reprendre ce dossier, qui s’étend de Jean Chrysostome à Théodoret de Cyr, en passant par Augustin d’Hippone et Ambroise de Milan, en se concentrant sur la figure de Théodose, l’élaboration de sa prière à Dieu et du miracle qui s’en serait suivi. Ainsi, c’est la christianisation de la figure impériale dans toute son ambigüité qui sera replacée au centre de l’interrogation.