Le Christ thaumaturge et magicien : les miracles dans l’art paléochrétien.
Bertrand Billot, Université Paris I-Panthéon Sorbonne
Les miracles du Christ constituent le thème iconographique le plus représenté dans l’art paléochrétien. On peut ainsi s’étonner de l’absence de synthèse sur le sujet, souvent oublié des ouvrages dédiés au grand public, mais également des articles spécialisés. Les images de miracles gagnent entre le 3e et le 6e siècle une large part de l’espace visuel, et ce dans l’intégralité du bassin méditerranéen. Elles apparaissent tant dans des contextes liturgiques, domestiques ou funéraires, publics aussi bien que strictement privés, conduisant à une sorte de « propagande des miracles ». La volonté de montrer le Christ comme un thaumaturge et un magicien en action, à la différence des anciens dieux, rigides et passifs, comporte en puissance des implications multiples et à notre connaissance inédites.
Nous tenterons ainsi de comprendre quelle image a-t-on voulu conférer au Christ dans cette iconographie. À partir de l’étude métonymique de quelques scènes de miracles dont la guérison du paralytique, nous montrerons comment l’absence de repères spatiaux-temporels conduit à un effacement des individualités propres aux récits évangéliques. Ce phénomène confère aux images de miracles de multiples messages propres au niveau de religiosité de chacun.
Nous verrons ainsi que pour le chrétien, les images de miracles revêtent une double fonction de protection, associée à la notion de paradigme de salut, et de vecteur de l’orthodoxie en participant à la lutte contre les hérésies. La portée des images de miracles ne se limite pourtant pas aux seuls chrétiens mais possède également une fonction prosélyte à destination des païens. Cette dernière semble liée aux peurs eschatologiques de l’époque et à une « terreur de la magie », indissociable d’une dynamique de conversion au Christianisme observée au 4e siècle.